Une analyse détaillée révèle un marché très fragmenté où les prix diminueront avec le temps, mais aucun signe avant-coureur d'un effondrement
TORONTO, le 7 juill. 2011 /CNW/ - Le marché de l'habitation au Canada est en voie de devenir très fragmenté et multidimensionnel, ce qui fait que les mesures traditionnelles, telles que le prix moyen, permettent de moins en moins d'évaluer adéquatement la santé de ce secteur, peut-on lire dans un nouveau rapport de Marchés mondiaux CIBC inc.
« En jetant un coup d'œil à des mesures courantes, comme le ratio prix-loyers ou le ratio prix-revenus, on pourrait être tenté de conclure que le marché de l'habitation se trouve déjà en situation de bulle immobilière et qu'un effondrement très important est inévitable », écrit Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à la Banque CIBC, dans la plus récente édition de son rapport Portrait des consommateurs canadiens.
« Aussi tentante qu'elle soit, cette conclusion est probablement erronée. À ce stade du cycle du marché immobilier canadien, les données moyennes peuvent être très trompeuses. La réalité ressort de l'observation de renseignements détaillés, lesquels tracent un tableau qui, bien qu'encore assez sombre, est beaucoup moins alarmant. »
M. Tal souligne que même si le prix moyen des maisons au Canada a augmenté de 8,6 % sur douze mois en mai, la progression n'est plus que de 5,6 % si on ne tient pas compte de Vancouver. En excluant Vancouver et Toronto, la hausse du prix moyen des maisons tombe à 3,7 %.
Une analyse plus poussée du marché prestigieux de Vancouver a permis à l'économiste de constater que l'écart entre les prix moyens et les prix médians atteint un sommet sans précédent. Alors que le prix moyen des maisons a bondi de 25,7 % sur douze mois pour dépasser 800 000 $ en mai, M. Tal a découvert qu'en ne tenant pas compte des propriétés qui se sont vendues plus de 1 million de dollars, la hausse des prix sur le marché était beaucoup plus modérée. Cette méthode d'analyse a également eu pour effet de réduire de 220 000 $ le prix de vente, lequel s'établit ainsi à un peu plus de 590 000 $.
« Ce qui rend le marché de Vancouver si atypique, c'est son segment haut de gamme », explique M. Tal. « Dans un tel contexte, beaucoup de personnes, dont le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, montrent du doigt les riches investisseurs étrangers, principalement les Asiatiques, comme principaux responsables de cette situation. »
Les données permettant de juger de l'influence des investisseurs asiatiques sur le prix des maisons à Vancouver sont très limitées. L'analyse des données que M. Tal a obtenues de la société Landcor Data Corporation donne à penser que seulement 10 % des quelque 4 500 transactions ayant mis en jeu des capitaux étrangers au cours des cinq dernières années ont dépassé la barre du million de dollars et que le prix d'achat moyen se situait légèrement en dessous de 600 000 $.
Selon les renseignements fournis par Landcor, les investisseurs étrangers ont compté pour seulement 2,6 % de toutes les ventes pour la même période. M. Tal estime cependant que ce pourcentage pourrait être sérieusement sous-estimé puisqu'il est fondé sur les évaluations foncières qui ont été envoyées par la poste et ne tiendrait pas compte des achats réalisés à l'étranger au nom d'enfants ou d'autres représentants se trouvant sur place. « Il y a beaucoup de raisons de penser qu'une part importante de ce que l'on croit acheté par des investisseurs étrangers l'est en fait par des immigrants chinois qui sont intégrés à la collectivité, mais qui maintiennent néanmoins des liens étroits avec la Chine continentale, nombre d'entre eux vivant et travaillant en Chine alors que leur famille s'établit en Colombie-Britannique. »
« Une analyse tenant compte de données plus détaillées que le prix moyen met en lumière un marché très fragmenté et multidimensionnel qui est vraisemblablement façonné par différentes forces », mentionne M. Tal. « Cependant, même un marché multidimensionnel peut croître au-delà de ses capacités, et les prix du marché canadien et de ses sous-segments sont probablement plus élevés que ce qui peut être attribué à des facteurs comme la croissance des revenus, les loyers et la formation des ménages. Compte tenu de ces éléments, on peut conclure que le marché de l'habitation connaîtra à terme une correction. La seule question est de savoir quel sera le mécanisme de cette correction. »
M. Tal est d'avis que la correction des prix au Canada sera graduelle, car les deux principaux déclencheurs d'un effondrement, soit une hausse rapide et importante des taux d'intérêt ou un marché hypothécaire caractérisé par des prêts à risque élevé qui sont plus vulnérables à l'évolution des facteurs économiques, ne sont pas présents ici.
« Au Canada, il est peu probable que le cycle de resserrement soit marqué et court. Le marché devrait connaître une augmentation graduelle des taux à court terme au cours des prochaines années. Les titulaires, de plus en plus nombreux, d'un prêt hypothécaire à taux variable seront les premiers à en souffrir. Néanmoins, si l'on considère que le passé est garant de l'avenir, ces gens opteront rapidement pour le confort d'un prêt hypothécaire à taux fixe de cinq ans dès que la Banque du Canada donnera le signal d'une hausse. »
M. Tal croit également que le pays se trouve dans une situation relativement positive lorsqu'on évalue les deux sous-segments du marché hypothécaire qui sont habituellement associés au plus grand nombre de défauts de paiements, c'est-à-dire les titulaires d'un prêt hypothécaire dont le ratio de remboursement est de plus de 40 % et ceux qui détiennent une valeur nette de moins de 20 % dans leur propriété.
Un peu plus de 6 % des ménages ont un ratio de remboursement de plus de 40 %, ce qui représente un point de pourcentage de plus qu'en 2008. « Ce pourcentage est toutefois bien en deçà de celui observé en 2003, alors que le taux d'intérêt effectif sur la dette était plus élevé d'un point de pourcentage. Pourtant, il n'y a eu aucune correction du prix des maisons », ajoute M. Tal.
« Toutes choses étant par ailleurs égales, même une augmentation de 300 points de base des taux par la Banque du Canada ne ferait passer ce ratio qu'à plus de 8 % à peine. Comme il fallait s'y attendre, c'est Vancouver qui compte la plus forte proportion de ménages ayant un ratio de remboursement élevé, suivie de Toronto. »
Les propriétés associées à une valeur nette de moins de 20 % représentent un peu plus de 17 % du marché immobilier résidentiel canadien, et ce pourcentage est en progression depuis quelques années. Plus de 80 % des ménages détenant une valeur nette de moins de 20 % sont des acheteurs d'une première maison.
« En y regardant de plus près et en tenant compte des ménages qui ont à la fois une faible valeur nette et un ratio de remboursement élevé, nous constatons que ce fragile segment de marché ne compte que pour 4,6 % du total des prêts hypothécaires et que cette proportion a eu tendance à augmenter au cours des dernières années », précise M. Tal. « Si une hausse de 300 points de base des taux d'intérêt venait ébranler le marché, ce pourcentage augmenterait et atteindrait 6,5 %, ce qui est encore modéré. Par le passé, le taux de défaut a toujours été largement inférieur à 1 %, même dans ce segment. Ainsi, à moins d'un énorme bouleversement des facteurs macroéconomiques, il ne semble y avoir aucun risque que nous assistions à un nombre élevé de ventes forcées, phénomène qui agit habituellement comme le déclencheur d'une chute abrupte du prix moyen des maisons au pays. »
« Par conséquent, bien qu'il soit probable que le prix des maisons fasse l'objet d'une correction à mesure que les taux d'intérêt augmenteront, comme ce sera vraisemblablement le cas, ce processus devrait se faire graduellement à l'échelle nationale. Nous pourrions ainsi traverser encore une période au cours de laquelle l'immobilier offrira un rendement moins intéressant que d'autres catégories de placements, jusqu'à ce qu'une hausse des revenus et une évolution plus contrôlée des prix ramènent le marché à une situation d'équilibre. »
Vous pouvez consulter le rapport intégral de Marchés Mondiaux CIBC à : http://research.cibcwm.com/economic_public/download/cw-20110707.pdf.
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Benjamin Tal, économiste en chef adjoint, Marchés mondiaux CIBC inc., 416 956-3698, benjamin.tal@cibc.ca, ou Kevin Dove, Communications et affaires publiques, 416 980-8835, kevin.dove@cibc.ca